Pourquoi tu assassines ton age?

Publié le par Reveur

13 octobre et il est 02H45’,,
J’ai mis un slow, une musique douce, très douce qui m’a fait penser à toi.. Tu dors certainement et j’imagine ton visage ameubli par le sommeil et la fatigue, tes yeux tendrement closes et ton corps rabattus sur ton lit, le drap qui s’enroule autour de toi et tes bras retournés sur le coussin et une main qui déborde du matelas mi-ouverte, les doits légèrement pliés comme si elle attend qu’on y dépose quelque chose que tu attendais depuis longtemps.. J’envie ce sommeil qui submerge ton corps et t’emmène loin, je remets le drap sur tes épaules et je reviens à mon slow.
Qu’est ce qui me fait penser à toi à cette heure tardive ? Evidemment cette musique que je voulais que tu l’écoutes, une merveilleuse guitare survolant une touche de piano et marié à un très léger souffle de quelques violons, une douce recette et des notes sublimes qui transpercent le cœur et l’esprit et qui vont avec ton visage toujours pensif et fastidieusement gêné par je ne sais quelle tristesse si profonde qu’elle caractérise toujours ta voix chaque fois que je te demande de tes nouvelles. Au téléphone, tu es toujours abattue et opprimée et ta voix toujours exténuée et quand je te vois, tu es toujours la même, même le petit sourire qui se dépose sur tes lèvres cachent un neurasthénie profonde. Mais pourquoi cet air confiné qui atténue ta jeunesse ? J’aurais voulu que ma présence repousse cette tristesse qui séjourne inlassablement sur ta vue, mais tu avais toujours l’air de regretter même les moments les plus intimes. Et j’aperçois toujours ce combat acharné au fond de toi, tu voulais, certes, croire à des choses qui te fascinent, mais tu demeures impuissante à l’égard des milles autres choses qui t’accablent et te prive même du droit aux belles pensées.
Je le sens, je le sais, je le vois.. On se partage trop de choses, toi et moi, mais nous vivons des jours différents. Je viens d’un monde vieux et vaincu, et tu t’accroches à un monde qui te dépasse, tu cours après des rêves qui n’existent plus et je reviens sur des rêves qui n’ont jamais existé. Tous le deux, comme deux lignes parallèles, on se voit, on mène la même direction mais à des vitesses différentes, je m’arrêterai certainement beaucoup plus tôt que toi, tu continueras ton chemin à suivre cette ligne interminable avec ce visage toujours mélancolique et asservi.
Moi…j’ai mes slows que personne ne veut plus entendre ou trouver le temps de les écouter, j’ai une famille, une femme au foyer, des enfants qui vont grandir et trousser leurs futurs loin de ma vie, j’aurai toujours le temps de veiller tard, côtoyant mes fichiers et mes quelques souvenirs, mettre une musique oubliée et méditer sur cette vie gâchée. Plus rien désormais ne compte pour moi, je cherche inlassablement à animer mes jours.. quelques amitiés qui manquent de cohésion, des différences d’age et de culture, des espérances différées, le temps et l’espace qui les rendent presque impossibles mais je continue à croire.
Quand je te vois, j’oublie que je suis l’égaré qui à manqué tout de sa vie, mon enfance, ma jeunesse, ma vie d’homme marié, mes études, mes projets et le bon bouleau que j’ai tant rêvé et je n’ai plus suffisamment de temps pour récupérer.. Mais que reste-t-il vraiment pour moi ?
Toi, c’est toujours la fille malheureuse qui m’accueille toujours avec son visage altéré, son sourire détruit, son cœur maladif, ses envies étouffées et ses désirs assassinés.. J’oublie mes calvaires et je m’efforce à donner un peu de joie à cette silhouette de fille qui s’obstine à vivre sa vie, oubliant qu’elle est encore puînée et qu’elle a droit toujours à sa jeunesse.
Mais pourquoi, dis-moi pourquoi ? Tu assassines ton age, tu pétrifies ton visage et tu méduses ton corps?? La vie.. ne vaut pas la peine de consumer son être pour soi-disant paraître sage et intelligent !! Tu as droit à la folie si vraiment une folie existe-t-elle pour te donner un peu d’éclat.
J’ai toujours voulu que tu trouves en moi quelque chose qui t’aide à croire en toi. T’écouter, c’est m’écouter, le petit enfant qui n’a jamais eu l’occasion d’être écouté. T’accompagner et être prêt de toi, c’est aussi une revanche pour des années de solitude quand j’avais besoin juste d’un ami.. je le cherche toujours figures-toi..peut-être en toi.
Et à la gare, nous étions assis sans trouver quoi dire, tu étouffais et ta colère donnait un air bizarre à ce portrait d’un couple qui rate tous les trains qui partent.. J’imaginais une bannière publicitaire sur une grande façade murale où supposé écrit en gras : « Chère Hana, je t’aime éperdument.. » mais c’était Hela que je prononçais comme toujours, je confondais toujours vos noms et tu as notifié amèrement que ce mon inconscient qui cause.. Je rectifiais inlassablement mais tu ne me croyais plus..
Le soir, j’ai saisi le portable de mon frère et j’ai dépêché un message :
        .. Je voudrais dire que c’est à toi que je pensais en parlant du panneau publicitaire.. Sois heureuse..
 
Mercredi, j’étais à Tunis rien que pour te voir.. C’est vrai, je n’ai pas confirmé mon arrivée, je n’avais pas un téléphone à ma portée mais j’ai imaginé que tu voulais toi aussi me voir.. Je me sentais vraiment englouti à la l’arrêt rue de Paris, j’attendais avec beaucoup d’ennui ton arrivée, je téléphonais à chaque demi-heure et tu ne répondais pas, tu étais certainement en classe et le temps passais lourdement.. A deux heures et demi, le téléphone sonnait encore une autre fois sans réponse, j’appelle ta sœur et elle m’a dit que tu dormais..
Je ressentais une petite colère..non..une petite déception..
J’appelle mon frère et il était en croisière.. Je prends le bus pour rentrer, le CD à la main et mon journal, et une fatigue qui me conduisait direct au lit, je dormais aussitôt et j’ai oublié que c’était Ramadan.. A sept heures, je me réveille et rien à ma table pour vaincre une grande faim après une longe journée de jeûne.. J’appelle aussitôt pour prendre de tes nouvelles.
       
        .. Tu es fâché ??
        Non, juste un peu déçu.
        Désolée...
 
Oui.. Tu es désolée..mais..je suis toujours -un peu- déçu..
 Et je me demande toujours pourquoi ai-je senti ce peu de déception !! En réalité, j’avais envie de te voir. J’avais besoin de te voir. Je ne savais pas pourquoi mais je me sentais terriblement seul, et exilé dans ce bled sans famille et sans amis, tu étais à une heure de voiture et tu pouvais sans beaucoup de gêne m’offrir un peu de compagnie.
 
A la gare, j’ai voulu me retirer, je supportais mal cet air intransigeant qui t’enveloppait mais tu voulais que je reste.. Il n’y avait pas grand-chose à dire et j’ai du mal à changer le sujet pertinent qui invoquait l’ennui et la détresse.. Ma présence ne servait, en réalité, à rien. Tu étouffais et je n’y peux rien.
        Si ce n’était pas Ramadan, j’aurais pu te prendre pour une grande évasion loin de cette gare..
Tu n’as rien dit mais tu voulais de cette fuite qui, au moins, aurait pu t’emporter loin de ta déprime fatale.
 
 C’était dur d’avouer que, quelque part, toi et moi, tous le deux, nous cherchons à nous évader.. Toi de tes non qui persistent, et moi, au vide qui anéantit mes jours et mes nuits..
Crois-tu à l’amitié entre homme et femme ?? C’était la question qu’on se demandait depuis toujours et dès le premier jour.
Moi, c’était un rêve, c’était un vœu..
J’ai toujours aimé avoir une femme amie.. Je peux l’aimer et la chérir sans limites, et elle peut tout espérer de moi.. Être son ami, être son copain ou être son amant, je serais toujours disponible à lui offrir mon affection et ma diligence.. Je manque de femme qui me restitue mes années perdues et mes amours étouffés..
J’ai besoin d’aimer et je refuse cette notion d’amour circonscrit que tout le monde adopte pour désigner n’importe quelle affection. En réalité, en amour, on n’aimait que ce que l’on désire aimer et on espère toujours le voir chez notre compagnon, du moment qu’on touche à lui, tout disparaisse.. Moi, je préfère une amitié affranchie à un amour subornant.
 
Toi, tu es encore la petite fille qui rêve d’un amour, d’un foyer, d’une famille et des enfants.. Tu as tout le droit de rêver.
Moi, j’en ai assez. Je ne crois plus. Il n’y a pas d’amour heureux. A quoi bon consumer sa vie pour des illusions.
J’ai plein d’illusions qui me demandent à chaque fin du mois mon salaire et me dressent chaque jours un procès sous n’importe quelle prétexte. J’ai un foyer qui regorge d’ébranlement et des enfants qui dégénèrent par manque d’amour.. Et l’amour n’a jamais existé dans ma vie et mes affections ont été toujours noyées.

Publié dans Lettres à une amie

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