Les noces des loups

Publié le par Reveur

Décidément, je ne peux espérer plus qu’un simple petit hasard pour pouvoir te rencontrer !! Ce n’est pas si évident, et pourtant qu’est ce qui empêche de céder à un rêve de plus, la tentation a toujours été le faible de l’homme, et puis, un rêve, c’est toujours gratuit ! « Vas-y donc, me dis-je, ce n’est pas tous les jours qu’on gagne à la loto ».

Loto ou pas loto, c’est plutôt comment dépenser, le talent de gestion des abondances et pour un paysan comme moi, c’est toujours le même pétrin, je ne sais quoi faire d’un flux qui peut m’inonder aux moments de ma disette, je cède comme un sable face aux premiers ruisseaux et un petit vent peut faire de moi une tempête.. J’ai grandi dans ce climat aride et j’ai hérité de la terre mes sentiments et mon caractère.. Une petite pluie crée le printemps et je fleuris comme un pacage et un sirocco épuise facilement les plus opulents de mes sources..

Toujours le même paysan, j’ai appris à me méfier des nuages du beau temps, à avoir ce flaire qui hume les averses, quand viennent-elles et de quelle intensité, je peux toujours admirer ces éclairs qui illuminent la nuit de ma campagne, ces tonnerres qui appuient le calme de mon village mais je sais qu’il ne pleuvra qu’aux lointains voisinages.

Et comme tout paysan, je rêve toujours de la pluie.. 

 

Quand j’étais petit, il arrivait souvent de pleuvoir avec un ciel à moitié nu, le soleil brillait toujours et les filets de pluie s’abattaient sur les environs, on dansait sous la pluie et on chantait comme faisaient les indiens d’Amérique, on admirait les couleurs d’arc-en-ciel qui invoquaient la magie des dieux.. On l’appelait : les noces des loups !!

Nous rigolions, garçons et filles, nous nous baignons en plein air et sous les regards des adultes joyeux eux aussi, ils aimeraient certes retrouver un peu de leur enfance.. Je me rappelle d’avoir prématurément cette admiration pour les filles aux chevelures mouillées et leurs habits collés à leurs poitrines qui prenaient de la forme comme des petits bourgeons, je les guettais avec cette envie de caresser leurs petits seins.. Ce n’était pas un désir, c’était une simple tentation..

Aujourd’hui encore, la vue d’une femme qui sort d’une douche ou piégée par une averse m’excite toujours comme ça a été quand j’étais encore enfant.. 

 

Au pays des pluies, je me suis installé, et de mon bureau, quand commence à pleuvoir, je me colle aux vitres et je compte les gouttes, les vieux souvenirs se défilent, et comme un paysan adulte, j’observe jovialement les enfants que j’invente, que des filles en polyester limpide et je dose les filets des gouttes qui font coller leurs chemisiers à leurs corps d’ange et je tends ma main pour retracer leurs silhouettes..

Depuis ma fenêtre, un large sourire s’imprime sur mes lèvres et je reviens à mon poste te raconter l’histoire d’une pluie que j’ai créé et des mômes que j’ai inventés, toi aussi tu ressembles à un souvenir qui revient de nulle part, comme un arc-en-ciel que j’ai cru pouvoir toucher quand j’étais gamin. Je sais maintenant que ses couleurs ne sont qu’une diffraction de la lumière qui nous imbibait depuis toujours et pourtant, un simple chagrin nous fait plonger dans l’obscurité.. 

 

L’abondance est-elle un don ou un fait du démon ? Me demande-je toujours ! En fait, c’est comme de la lumière, nous nous y noyons chaque jour et nous nous disons négligemment, ce n’est que de la lumière !! Un petit prisme suffisait pour nous faire découvrir que nous montons les marches d’arc-en-ciel sans jamais nous apercevoir !!

Je ne sais de quelle couleur tu es, et quand j’étais petit, j’aimais tout l’arc-en-ciel, je ne pouvais choisir de ses couleurs, je montais ses marches et je me coloriais de ses nuances comme un petit indien qui apprend à aimer la nature et le pays, je le suis toujours, l’indien qui puise de la terre ses amours, le petit indien qui rêvait des filles et des couleurs et je suis quelque part l’arc-en-ciel en personne, je suis une personne mythique et le temps a changé, plus de mythes et les fables ne charment plus personne. A quoi bon chercher à savoir de tes couleurs ? Je suis toujours le petit garçon et tu joues avec les filles sous la pluie des noces des loups.

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